Initiative #2 - Logements Passerelle

Mas du Littoral de Samer : les passerelles du possible !

Le contexte

Dans son rapport "Zéro sans solution", Denis Piveteau met en avant l’importance d’élargir, dans le cadre du libre choix de vie des personnes, le "champ des possibles".

Comment traduire au quotidien ce concept vertueux ? Accueillant des résidents en situation de pluri-handicap, dont le handicap psychique, et ne nécessitant pas de soins médicaux importants, la Mas du Littoral de Samer s’engage à relever le défi à travers la mise en place de logements passerelle sur son site.

Depuis 2021, dix petites maisons individuelles surplombent le bâtiment central et sont à disposition de résidents souhaitant vivre chez eux. Les résidents sont volontaires pour tenter l’aventure.

Ce projet de logements passerelle, unique en Hauts-de-France, a vocation à répondre aux personnes à travers deux nouveaux parcours :

S’adapter à un environnement nouveau avant d’intégrer éventuellement la Mas.
Ou dans le cadre d’une démarche de réhabilitation psychosociale, afin de tester un quotidien plus autonome et se projeter dans une nouvelle étape de vie ; "Ces logements suscitent de nouvelles envies, de nouveaux projets, et apportent de l’intensité à la vie des personnes" déclare Madeline Reid, directrice de la Mas.

Ça apporte un grand plus par rapport à la Mas : on a plus d’autonomie. Ici, on est vraiment tout seul (à part la toilette et la mise au lit).

Philippe, résident des logements passerelle

Si cette transition de vie est accompagnée par une équipe attentive, le défi individuel est de taille : les résidents peuvent être confrontés à un certain isolement car l’assistance quotidienne est plus restreinte, les emplois du temps sont libres, la relation individuelle au logement implique une nouvelle organisation pratique. Le changement d’environnement et l’investissement d’un "chez-soi" réveillent les potentiels. Le fait d’être chez soi suscite une adaptation au quotidien parfois surprenante et influe sur la diversité des projets (souhait d’intégrer une famille d’accueil, un foyer de vie, un logement adapté, un domicile en milieu ordinaire…). Une mise à distance avec la vie en collectivité et les dépendances qu’elle peut créer est nécessaire.

En pratique

L’architecture des logements-passerelles a été pensée en amont, en termes d’agencement intérieur, de luminosité, de praticité, d’ergonomie, de domotique.
Une équipe est dédiée à la vie quotidienne [1].
Un changement de pratiques pour les professionnels et une plus grande place à l’autonomie pour les résidents.
La possibilité d’expérimenter plus d’autonomie et de liberté de choix.
Une véritable autodétermination : les résidents s’engagent via un contrat de projet sur une base de 6 mois à 1 an avec un objectif de concrétiser leur projet à terme.
Les logements passerelles ne se distinguent pas de la Mas, ils en sont une continuité. Ainsi, les résidents bénéficient des activités proposées au sein de la Mas.

Le logement Passerelle, ça donne un gros potentiel pour mon parcours. C’est une bonne idée. Parce qu’il y a plein de choses que je peux faire ici et que je ne pouvais pas faire là-bas, style le petit-déjeuner, le ménage. J’ai même proposé de faire les carreaux. Je pense que je pourrais. Avec une petite perche. Je cherche tous des trucs que je peux faire. Par exemple, les araignées, il y en a plein ici, c’est du bois. C’est moi qui fais les toiles d’araignées.

Philippe, résident des logements passerelle

Les atouts

Les freins

1. Un apport d’espoir et de la motivation pour les personnes

2. Une possible émulation auprès des autres résidents

3. Une capacité à se projeter dans un nouveau champ des possibles

4. Une opportunité de mieux évaluer la compatibilité entre le projet individuel et l’environnement de vie future

5. Des objectifs diversifiés et évolutifs d’accompagnement pour l’équipe de la Mas

6. Amener de la souplesse dans les parcours : que ce soit à l’entrée dans la Mas ou à la sortie

1. Parfois des points de résistance institutionnelle, l’appréhension face au changement

2. Obtenir l’adhésion des familles

3. Les solutions externes d’hébergement ou d’accueil limitées

4. La complexité administrative

Les perspectives

L’équipe de la Mas souhaite engager une évaluation portant sur les effets des logements-passerelles sur la vie des personnes. L’objectif est de promouvoir, dans le cadre d’un projet d’innovation et d’expérimentation, la possibilité d’une démarche de rétablissement auprès du public.

À la Mas, je ne déjeunais jamais. Ici, je déjeune. J’me régale à le faire. Mon café… là-bas, c’est en commun. Et manger à 11h30 quand le petit déjeuner est à 9h, je n’avais pas faim. Ici, le déjeuner c’est à 12h30. Je l’envie, ce retour à domicile. Ne plus dépendre des horaires. Être vraiment autonome.

Philippe, résident des logements passerelle

Les points d’analyse seront centrés sur les degrés d’adaptation effectués au quotidien et surtout sur les potentialités mobilisées par les résidents à se projeter dans une nouvelle étape de vie : faisabilité et effets d’une démarche basée sur le rétablissement, mise en œuvre des principes de réhabilitation psychosociale "Hors les murs" du sanitaire.

Trois questions à l'équipe de Vie quotidienne

Cindy Sart, Auxiliaire de vie

Angélique Gouget, Aide médico-psychologique

Natacha Quehen, Aide-soignante

1. Les Logements Passerelles ont-ils bousculé ou modifié les pratiques professionnelles que vous aviez à la Mas ou dans d’autres structures ?

Oui. Nos pratiques sont bien sûr bousculées parce que ce n’est pas du tout la même façon de faire. En effet, ici nous sommes sur une prise en charge globale des personnes, en continu sur la journée. Du côté de la Mas, nous sommes davantage sur des tâches de nursing.

Nous sommes ici dans le "Faire", on va les pousser afin de répondre à leurs objectifs : "Si tu peux faire, fais". Il faut qu’ils volent de leurs propres ailes ensuite.

L’accompagnement est donc adapté à chacun. Il faut bien savoir ce que chacun veut. L’innovation commence là où on fait du cas par cas.

Cela a aussi bousculé les pratiques des collègues de la Mas. En effet, quand nous sommes en congés ils prennent le relais et ça participe aux changements de pratiques. Même si au départ il y a eu quelques réticences, c’est vraiment intéressant de croiser les regards.

2. Quels sont les effets induits dans le fait de moins "protéger" les personnes ?

En effet, les personnes ont du potentiel que l’on n’imaginait même pas, que l’on ne retrouvait pas à la Mas. Par exemple, à la Mas la personne avait des protections, ici elle n’en met plus, ou encore des appareils qu’on utilisait et qu’on n’utilise plus ici. Les personnes savent se lever, se mettre seules au lit, utiliser une planche… L’ergothérapeute met en place des choses pour qu’elles apprennent à faire seuls.

Elles évoluent aussi au niveau social : les courses et les rendez-vous, on va les laisser gérer.

Après il faut aussi éviter l’écueil de recréer un deuxième établissement ici en créant une dépendance au dispositif Passerelle, à la "vie de quartier" qu’il pourrait y avoir.

3. Est-ce que ça change les collaborations que vous avez avec le monde extérieur ?

Avec les familles oui. Nous sommes beaucoup plus proches des familles maintenant qu’on ne l’était de l’autre côté. Elles se confient un peu plus. On a encore eu récemment deux familles par téléphone et on a discuté. C’est vrai que ça on ne le fait jamais à la Mas.

Les familles ont d’autant besoin d’être rassurées ici, d’avoir confiance car c’est un bouleversement pour elles aussi.

Les résidents se confient davantage aussi, ils nous racontent plus de choses.

Pour en savoir plus

Madeline Reid

Directrice

	06 25 77 81 93
	dir.agamas[at]gmail.com

Pauline Lenoir

Coordination parcours-projets / psychologue

	06 26 39 05 21
	parcoursresident.agamas[at]gmail.com

Quelques ressources

Plaquette de présentation de la Mas

Diaporama de présentation de la Mas

[1] Auxiliaire de vie sociale, aide-soignante, accompagnant éducatif et social, surveillant de nuit.

Publication : 8 février 2022 / Rédaction : Crehpsy Hauts-de-France